Il y a des pays qui marquent le visiteur par leur patrimoine artistique ou par la créativité de leurs artisans. Singapour s'illustre par la place accordée au commerce de luxe, aux boutiques consacrées aux montres de milliardaires ( car comment ne pas s'amuser des milliers de dollars dépensés pour voir deux aiguilles se croiser interminablement ? ) . La beauté est ici synonyme de richesse. La richesse synonyme de beauté. Ainsi cette place adorée par Chanel, Vuitton et les grandes marques de l'Europe "perlée" et diamantée. Il n'en reste pas moins que cet édifice commercial qui représente le nombril prestigieux d'Orchard Road n'est pas sans charme. L'architecture massive et le lion chinois veillent sur les prix astonomiques des produits inaccessibles au commun des mortels et représentent le parangon du capitalisme oriental.
mardi 20 juillet 2021
jeudi 15 juillet 2021
De la multiplicité des lectures philosophiques
dimanche 11 juillet 2021
Le temps du désœuvrement.
Mulgrew Miller |
samedi 3 juillet 2021
Madame de Staël et Fichte
Mme de Stael |
On Raconte que Madame de Staël ayant
rencontré le grand philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte, lui demanda avec une certaine hardiesse (Ce qu'on
voulut bien lui pardonner puisqu’elle n'était pas philosophe de profession) de résumer son système centré sur l’idée du
Moi (Ich) en quinze minutes. Madame de Staël avait l'esprit « français »,
c'est à dire l'esprit taquin, insubordonné , se tenant à la limite de
l'arrogance aristocratique.
Fichte bafouilla quelques mots en
essayant de résumer la philosophie de toute une vie et Madame de Staël n'y
comprenant strictement rien, écourta l'entretien en lui rappelant méchamment qu'il s'agissait sans doute d'une
de ces histoires du baron de Münchhausen. Elle ramenait par là même la
profondeur de l'idéalisme allemand à une histoire comique ou un conte
philosophique d'où Voltaire serait désespérément absent.
Fichte |
On a là à la fois un mélange de légèreté
et de bêtise propre à celui qui demeure extérieur à la complexité d'une doctrine
philosophique. Tout professeur doit faire l'expérience de cette bêtise lorsqu'il
est confronté à certains parents d'élèves. Ceux-ci veulent absolument rendre
compte de sa discipline à partir de leurs souvenirs de potaches, d’un discours
dominant ou des intérêts bassement égoïstes d’une famille , voire d’un clan, ce
qui n'a généralement pour effet que de déformer la discipline ou son essence, l’entretien se transformant progressivement en
bavardage affligeant, stérile et interminable. Durant ces acrobaties
verbales , l'un jauge l'autre comme un boxeur avant le dernier round. Mélange
de mécompréhension amusée , de crispation souriante. Nous nous quittons avec
une poignée de main de fausse cordialité, oubliant ce qui ne fut bien
heureusement qu’un accident scolaire. Bien sûr, et c’est une bonne chose, le professeur fait de meilleures rencontres
mais la bienveillance n’est pas toujours la chose du monde la mieux partagée.
Comment ne pas penser à ces innombrables Mesdames et Messieurs « de
Staël » dont j’ai encore le portrait profondément gravé en moi ? Je
publierai avec plaisir certains portraits de la bourgeoisie endimanchée car il
serait faux de croire que l’enseignement se limite au rapport du Maitre et de
l’ élève. Les rencontres multiples avec les familles sont largement
révélatrices des innombrables malentendus qui existent à propos de l’école. Il
s’agit d’en parler et de considérer ces évènements non pas comme des « tragédies »,
mais comme des symptômes du malaise scolaire général.
dimanche 27 juin 2021
Illich oublié
Deux ouvrages ont pratiquement disparu des bibliothèques actuelles :
l’éloge de la fuite de H Laborit et la « société sans école » (
deschooling society ») d’Ivan Illich. On ne peut que regretter cette
invisibilité. Elle va sans doute de pair avec les dogmes de la société
néolibérale du XXI siècle. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de lectures
roboratives, de ces lectures que recommandait Goethe, qui enrichissent notre
perception et nous donnent une énergie supplémentaire.
Illich est un prêtre défroqué , qui s’en prend avec une violence inégalée à l’Eglise
et à l’Ecole. Les arguments sont nombreux et entremêlés chez lui , mais on peut
les ramener en gros à l’idée suivante : une éducation sans école est non
seulement possible mais souhaitable. Dans tout débat sur l’école, il faudrait
rendre la lecture de cet ouvrage indispensable car l’horizon dégagé par Illich,
avant internet, les réseaux et les MOOC préfigure sans aucun doute ce que nous
connaissons aujourd’hui.
Ivan Illich
Extrait :
Pourquoi il faut en finir avec l’institution scolaire
« Bien des étudiants, en particulier ceux issus de familles modestes, savent intuitivement ce que leur
apporte l’institution scolaire. Elle leur enseigne à confondre les méthodes d’acquisition du savoir et la matière de l’enseignement et, une fois que la distinction s’efface, les voilà prêts à admettre la logique de l’école : plus longtemps ils resteront sous son emprise, meilleur sera le résultat, ou encore : le « processus de l’escalade » conduit au succès ! C’est de cela que l’élève est « instruit » par les soins de l’école. C’est ainsi qu’il apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l’éducation consiste à s’élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence, que savoir utiliser le langage permet de dire quelque chose de neuf… Son imagination, maintenant soumise à la règle scolaire, se laisse convaincre de substituer à l’idée de valeur celle de service : qu’il imagine, en effet, les soins nécessaires à la santé, et il ne verra d’autres remèdes que le traitement médical ; l’amélioration de la vie communautaire passera par les services sociaux ; il confondra la sécurité individuelle et la protection de la police, celle de l’armée et la sécurité nationale, la lutte
quotidienne pour survivre et le travail productif. Santé, instruction, dignité humaine, indépendance, effort créateur, tout dépend alors du bon fonctionnement des institutions… »
Quelle introduction fabuleuse ! Quel incipit !
Bien, je pense qu'en fait il y a ici,
énormément de choses qui sont données. Mais surtout l'idée de l'endoctrinement.
L'école pour Ivan Illich n'enseigne
pas des doctrines, mais elle endoctrine.
Elle est un long apprentissage de
soumission aux institutions. Et au pouvoir. Et en ce sens, l'école, c'est le
contraire de l'éducation, puisque pour Ivan Illich, éduquer quelqu'un, c'est
lui montrer qu'il a la capacité de résister au pouvoir.
Or, l'école, elle, procède à une sorte
de « processus de l'escalade ». On essaie de monter ( dans l’imaginaire
parental ou magistral ) , monter les marches le plus haut possible afin d'arriver à avoir le
plus de pouvoir sur les autres. Donc avoir des examens, avoir des diplômes,
passer par un sorte de goulot d'étranglement .C’ est une sorte de parcours du
combattant qui est dépeint dès la classe de maternelle dans nos établissements.
Et cette idée que le diplôme devient progressivement synonyme de compétence est selon lui une absurdité contemporaine.
Ce fétichisme du diplôme est extrêmement dommageable dans les propositions implicites de la philosophie éducative contemporaine. Sans partager nécessairement les thèses d’Illich , certaines de ses vues méritent me semble-t-il notre lecture attentive et renouvelée.