Mme de Stael |
On Raconte que Madame de Staël ayant
rencontré le grand philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte, lui demanda avec une certaine hardiesse (Ce qu'on
voulut bien lui pardonner puisqu’elle n'était pas philosophe de profession) de résumer son système centré sur l’idée du
Moi (Ich) en quinze minutes. Madame de Staël avait l'esprit « français »,
c'est à dire l'esprit taquin, insubordonné , se tenant à la limite de
l'arrogance aristocratique.
Fichte bafouilla quelques mots en
essayant de résumer la philosophie de toute une vie et Madame de Staël n'y
comprenant strictement rien, écourta l'entretien en lui rappelant méchamment qu'il s'agissait sans doute d'une
de ces histoires du baron de Münchhausen. Elle ramenait par là même la
profondeur de l'idéalisme allemand à une histoire comique ou un conte
philosophique d'où Voltaire serait désespérément absent.
Fichte |
On a là à la fois un mélange de légèreté
et de bêtise propre à celui qui demeure extérieur à la complexité d'une doctrine
philosophique. Tout professeur doit faire l'expérience de cette bêtise lorsqu'il
est confronté à certains parents d'élèves. Ceux-ci veulent absolument rendre
compte de sa discipline à partir de leurs souvenirs de potaches, d’un discours
dominant ou des intérêts bassement égoïstes d’une famille , voire d’un clan, ce
qui n'a généralement pour effet que de déformer la discipline ou son essence, l’entretien se transformant progressivement en
bavardage affligeant, stérile et interminable. Durant ces acrobaties
verbales , l'un jauge l'autre comme un boxeur avant le dernier round. Mélange
de mécompréhension amusée , de crispation souriante. Nous nous quittons avec
une poignée de main de fausse cordialité, oubliant ce qui ne fut bien
heureusement qu’un accident scolaire. Bien sûr, et c’est une bonne chose, le professeur fait de meilleures rencontres
mais la bienveillance n’est pas toujours la chose du monde la mieux partagée.
Comment ne pas penser à ces innombrables Mesdames et Messieurs « de
Staël » dont j’ai encore le portrait profondément gravé en moi ? Je
publierai avec plaisir certains portraits de la bourgeoisie endimanchée car il
serait faux de croire que l’enseignement se limite au rapport du Maitre et de
l’ élève. Les rencontres multiples avec les familles sont largement
révélatrices des innombrables malentendus qui existent à propos de l’école. Il
s’agit d’en parler et de considérer ces évènements non pas comme des « tragédies »,
mais comme des symptômes du malaise scolaire général.
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