Deux ouvrages ont pratiquement disparu des bibliothèques actuelles :
l’éloge de la fuite de H Laborit et la « société sans école » (
deschooling society ») d’Ivan Illich. On ne peut que regretter cette
invisibilité. Elle va sans doute de pair avec les dogmes de la société
néolibérale du XXI siècle. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de lectures
roboratives, de ces lectures que recommandait Goethe, qui enrichissent notre
perception et nous donnent une énergie supplémentaire.
Illich est un prêtre défroqué , qui s’en prend avec une violence inégalée à l’Eglise
et à l’Ecole. Les arguments sont nombreux et entremêlés chez lui , mais on peut
les ramener en gros à l’idée suivante : une éducation sans école est non
seulement possible mais souhaitable. Dans tout débat sur l’école, il faudrait
rendre la lecture de cet ouvrage indispensable car l’horizon dégagé par Illich,
avant internet, les réseaux et les MOOC préfigure sans aucun doute ce que nous
connaissons aujourd’hui.
Ivan Illich
Extrait :
Pourquoi il faut en finir avec l’institution scolaire
« Bien des étudiants, en particulier ceux issus de familles modestes, savent intuitivement ce que leur
apporte l’institution scolaire. Elle leur enseigne à confondre les méthodes d’acquisition du savoir et la matière de l’enseignement et, une fois que la distinction s’efface, les voilà prêts à admettre la logique de l’école : plus longtemps ils resteront sous son emprise, meilleur sera le résultat, ou encore : le « processus de l’escalade » conduit au succès ! C’est de cela que l’élève est « instruit » par les soins de l’école. C’est ainsi qu’il apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l’éducation consiste à s’élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence, que savoir utiliser le langage permet de dire quelque chose de neuf… Son imagination, maintenant soumise à la règle scolaire, se laisse convaincre de substituer à l’idée de valeur celle de service : qu’il imagine, en effet, les soins nécessaires à la santé, et il ne verra d’autres remèdes que le traitement médical ; l’amélioration de la vie communautaire passera par les services sociaux ; il confondra la sécurité individuelle et la protection de la police, celle de l’armée et la sécurité nationale, la lutte
quotidienne pour survivre et le travail productif. Santé, instruction, dignité humaine, indépendance, effort créateur, tout dépend alors du bon fonctionnement des institutions… »
Quelle introduction fabuleuse ! Quel incipit !
Bien, je pense qu'en fait il y a ici,
énormément de choses qui sont données. Mais surtout l'idée de l'endoctrinement.
L'école pour Ivan Illich n'enseigne
pas des doctrines, mais elle endoctrine.
Elle est un long apprentissage de
soumission aux institutions. Et au pouvoir. Et en ce sens, l'école, c'est le
contraire de l'éducation, puisque pour Ivan Illich, éduquer quelqu'un, c'est
lui montrer qu'il a la capacité de résister au pouvoir.
Or, l'école, elle, procède à une sorte
de « processus de l'escalade ». On essaie de monter ( dans l’imaginaire
parental ou magistral ) , monter les marches le plus haut possible afin d'arriver à avoir le
plus de pouvoir sur les autres. Donc avoir des examens, avoir des diplômes,
passer par un sorte de goulot d'étranglement .C’ est une sorte de parcours du
combattant qui est dépeint dès la classe de maternelle dans nos établissements.
Et cette idée que le diplôme devient progressivement synonyme de compétence est selon lui une absurdité contemporaine.
Ce fétichisme du diplôme est extrêmement dommageable dans les propositions implicites de la philosophie éducative contemporaine. Sans partager nécessairement les thèses d’Illich , certaines de ses vues méritent me semble-t-il notre lecture attentive et renouvelée.
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