La musique m'a beaucoup appris. Elle est cruelle, comme toute forme artistique.
Le pianiste de Jazz canadien Mulgrew Miller sut l'exprimer de façon magistrale
dans ses ateliers musicaux . Il nous rappelle que le musicien de Jazz est à la
recherche de quelques moments de grâce qu'il a vécus et que toute sa vie est
tendue désormais vers la recherche exigeante de cette lumière qui oriente tous
ses efforts.
Mulgrew Miller |
Retrouver cet instant privilégié où l'univers devient pure lumière. L'écriture
obéit de facto à la même injonction. Il y a derrière les conjonctions d'idées,
de phrases, et de sonorités, le souvenir forcené d'une satisfaction totale,
inénarrable.
L'art, qu'il soit musical ou scripturaire n'est que la recherche
d'un passé glorieux et fulgurant. Mais, et c'est là le problème, la gloire n'est
que momentanée. Le temps est long. Il doit cependant être habité, et ce que nous
appelons l'ennui n'est que le sentiment du temps qui est déserté par cette
grâce. Il faut avoir le courage, alors d'épauler l'ennui et l'on pourrait
définir l'artiste comme l'artisan d'une recherche de l'œuvre qui se double du
courage du désœuvrement.
« Pour le penseur et pour tous les esprits inventifs,
l'ennui et ce désagréable « temps calme » De l'âme qui précède a traversé
heureuse et les vents joyeux. » ( Frédéric Nietzsche, le gai savoir, paragraphe
12.)
Il y a donc une morale de l'artiste qui consiste à accepter le temps de
l'ennui car il est indissociable du moment créateur. Après tout, le repos de
Dieu après la création lui aussi dut sans doute ressembler à ce désœuvrement.
Savoir « demeurer chez soi avec plaisir » insistait Pascal, supporter ce que les
hommes ne supportent pas : l’ennui.
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